Suite aux nouvelles directives gouvernementales demandées dans les Ehpad, l’association Asshumevie, association des utilisateurs de l’Humanitude, s’est mobilisée pour répondre au besoin des professionnels de santé sur le terrain. Voici donc la lettre ouverte de l’association :
Covid, isolement : pour une recommandation qui fasse confiance aux stratégies adaptatives et éthiques des professionnels !
Monsieur le ministre,
En échos à l’avis du Comité national consultatif d’éthique pour les Ehpad et USLD communiqué ce 1er avril, voici le témoignage d’une directrice d’EHPAD labellisé Humanitude :
« Après avoir pris connaissance du souhait d’Olivier VERAN de demander aux EHPAD (établissements pour personnes âgées dépendantes) d’isoler les résidents dans leur chambre et je suis effrayée des conséquences que cela va avoir au moins dans un établissement comme le nôtre qui accueille une population très désorientée qui ne comprend pas et nous considère comme des geôliers.
(…) Chez nous, les résidents sont atteints d’une pathologie démentielle sévère à 95%. Comment ferons-nous pour faire maintenir ces personnes dans leur chambre ? Faut-il les attacher ? Les sédater ? Comment faire comprendre à une personne souffrant de troubles sévères qu’il ne faut pas bouger ? »
A juste titre, la volonté nationale est de protéger les habitants et professionnels des établissements médico-sociaux (EHPAD, FAM, MAS…) afin d’éviter leur contamination, éviter les formes graves de Covid 19 pour limiter l’engorgement des services hospitaliers et permettre à la population d’être soignée en cas de problème médical grave.
Comme le souligne le CCNE, il faut vivre en EHPAD, en unités pour personnes en situations de handicaps lourds, pour comprendre que cette nouvelle demande d’isolement individuel est mission impossible pour les habitants avec troubles du comportement.
Mission impossible car ces personnes peuvent développer davantage de comportement d’agitation pathologiques. Faudra-t-il alors les sédater, les attacher ?
Ils ne comprendront pas la situation et nous allons voir des situations aggravantes comme des refus de manger, de boire…
Nous savons qu’un stress aigu chez la personne âgée, fragilisée, est source de syndrome confusionnel qui peut entrainer la mort si la cause n’est pas prise en compte rapidement.
Ce syndrome confusionnel provoque souvent de l’hyperactivité et les confiner dans leur logement, dans leur chambre, être obligé de leur apporter une contention physique ou chimique ne fera qu’aggraver leur état confusionnel, jusqu’au syndrome de glissement, jusqu’au décès.
Or notre professionnalisme expert de ces situations en gériatrie ou dans le secteur du handicap, nous amène à mettre en œuvre des réflexions éthiques et des stratégies ajustées, tracées, justifiées, au jour le jour, au cas par cas, comme l’accompagnement à la marche dans des zones identifiées, les sorties individualisées à l’extérieur, les rencontres en couples avec les mesures barrières, les activités physiques et culturelles adaptées, l’appui des approches non médicamenteuses comme l’Humanitude… Si certaines personnes vivent trop mal ce confinement, un ajustement particulier de la situation devrait être évalué et permis. Ce qui doit être demandé : c’est d’éviter les regroupements mais pas de créer de l’isolement.
Dans ce contexte, nous mettons en garde face à des recommandations strictes qui ne tiennent pas compte des besoins des personnes et qui pourraient mettre en cause la responsabilité des professionnels si elles n’étaient pas respectées.
A côté du renforcement des moyens de protections, des tests pour ajuster les stratégies et de soutien psychologiques comme le demande l’AD-PA (Association des directeurs au services des personnes âgées), nous demandons des soutiens éthiques experts et surtout de nous faire confiance, de faire confiance à chaque directeur, chaque équipe soignante pour prendre toutes les mesures nécessaires à la protection des habitants et des professionnels.
Nous vous demandons monsieur le Ministre, que l’avis du CCNE pour les Ehpad et Usld, se traduise par des textes qui autorisent et protègent explicitement les professionnels qui mettent en œuvre des stratégies adaptatives ajustées et justifiées… au risque de décès liés à ces états confusionnels, au risque d’épuisements professionnels graves.
Asshumevie, association Humanitude évaluation et milieu de vie qui a créé et délivre le label Humanitude, 1er label de bientraitance.
Présidente : Elise Gambier, directrice Ehpad public La Maison de Jeanne à Villers Bocage (14), labellisé Humanitude, gambierelise@yahoo.fr
Vice-Président : Guillaume Delalieu, directeur de l’Ehpad associatif La Neuville à Amiens (80), labellisé Humanitude, g.delalieu@arassoc-laneuville.fr,
Contact presse : Annie de Vivie, membre du bureau Asshumevie, fondatrice d’Agevillage, directrice France des formations Humanitude, anniedevivie@agevillage.com,
En savoir plus sur Asshumevie, le label Humanitude : www.lelabelhumanitude.fr
Sources :
– Avis du 30 mars 2020 du Comité national consultatif d’Ethique en réponse à la saisine du ministère des solidarités et de la santé sur le renforcement des mesures de protection dans les EHPAD et les USLD.
– Article sur le Syndrome confusionnel du sujet âgé – Rev Med Suisse 2008 ; 4 : 2392-7
– 2018 American Delirium Society Annual Meeting, San Francisco – Effect of multimodal comprehensive methology training (Humanitude) on both delirium ans physical retrainst in intensive care unit